jueves, 03 marzo 2016
Ekphrasis
Il tient dans la paume de ma main, n'est pas très lourd, est inodore. C'est froid, de couleur rose ou brun clair. Ses fentes et bosses me rappellent vaguement une coquille de noix. Ce n'est pas une simple pierre. Cela ressemble à un fossile d'une plante ancienne que quelqu'un, peut-être un archéologue ou un jardinier, a trouvé dans un champ près de la maison du professeur. Je pourrais lui chercher une forme de tête animal ou même humaine, comme lorsque l'on scrute les nuages. Peut-être c'est la métamorphose d'un mortel puni par un dieu mécontent. Si je pouvais prendre des radiographies, tout à coup, il apparaîtrait peut-être un monde intérieur, son âme. Celui qui l'a déterré ou découvert a dû penser la même chose que moi : qu'est-ce que c'est ?
Maintenant que le professeur nous a expliqué l'objet, je pense au sculpteur qui l'a créé : une force de la nature qui pendant longtemps a poncé son corps pour donner cette étrange forme qui peut ressembler à une rose, à la manière du souffle divin qui, dit-on, a créé le premier homme et lui a donné la vie. Je me souviens d'avoir vu pour la première fois un rocher composé de plusieurs de ces formes de sable qu'un ami a apporté du désert du Sahara, c'était jaune avec des reflets de plage.
Si l'auteur avait été humain, nous dirions que c'est une œuvre d'art et ceci serait une ekphrasis, mais une rose sculptée par le vent, est-il de l'art ?
04:19 Anotado en Elucubraciones, Juego de escritura, Naturaleza | Permalink | Comentarios (0) | Tags: écfrasis, arte y literatura
lunes, 29 febrero 2016
Retour en enfance
Ça doit être mon cerveau reptilien qui m'a renvoyé en enfance, lorsque ma fille ma fait goûter aujourd'hui une sucrerie faite à base de miel et de canne à sucre qu'elle a achetée au marché aux puces. Dès que je l'ai croquée, je me suis rappelé que mon grand-père avait toujours dans ses poches ce genre de bonbon. Il nous les donnait quand on était enfant et bien après. Ça faisait plus de 40 ans que je n'en avais pas eu dans ma bouche ! Ma fille ne savait pas ce qui allait m'arriver car elle était trop petite lorsque mon grand-père est décédé. Je suis sûr que mes frères et sœurs auraient eu la même réaction.
21:09 Anotado en Recuerdos, Viajes | Permalink | Comentarios (0)
lunes, 22 febrero 2016
Jour de marché
Il faisait plus chaud et humide que d'habitude. Le soleil tapait fort à la verticale de mon chapeau de paille. Dans la place principale du village deux policiers fouillaient deux hommes qui n'avait pas l'air plus louches que d'autres qui les regardaient. Avant d'arriver au distributeur de billets, on entendait le bip bip de la machine qui ne voulait pas donner plus d'argent, car elle était en panne.
De retour par la place principale, ni les policiers ni les hommes fouillés n'étaient plus là. Le grand fromager centenaire ne donnait pas assez d'ombre par manque de feuillage, mais un peu plus loin sous des arbres plus généreux les gens assis sur des bancs publics buvaient des boissons fraîches pour se désaltérer.
Au coin de la rue un vendeur de chontaduros, le fruit d'un palmier, offrait sa marchandise sous un grand parasol. (Je n'aime pas ce fruit.) Nous en avons acheté trois déjà cuits. Le bruit augmentait lorsque l'on s'approchait du marché. C'était très animé. Les magasins ouverts, les bars plein d'hommes en train de boire de la bière, la musique mexicaine trop forte envahissait nos oreilles (rancheras avec des paroles sur des chagrins d'amour, des guitares, violons, trompettes ou accordéon).
Un jeune homme torse nu, sans chaussures, et sale discutait avec une femme qui lui criait dessus. Les gens observaient plutôt souriants. La femme était saoule, on m'a dit que c'était sa mère qui passe les journées à boire dans ce bar. Le fils est un petit voleur sans cerveau. Nous ne nous sommes pas arrêtés. Leur dispute continuait derrière nous.
Plus tard dans l'après-midi, en sortant de la maison pour aller manger des gâteaux fameux à un village à une demi-heure de route, je vois passer en courant le jeune homme de midi qui regardait en arrière dans sa course. Il entre dans une maison plus loin. On dirait que tout le village regardait la scène amusé. Derrière lui est apparu sa mère qui courait à toute allure pour le rattraper. Un troisième personnage que je n'avait pas vu auparavant courait derrière les deux. Ils sont entrés dans la même maison.
Il y avait une tension dans l'air. Je m'attendais à des tirs de pistolet ou à les voir sortir blessés de la maison. En fait le premier jeune homme est en effet sorti en courant de nouveau et sa mère et le troisième jeune derrière lui. Les gens s'amusaient de voir la scène. Nous n'avions pas envie de rigoler.
De retour, le village était plus calme. La pluie avait rendu la température plus supportable. Les soûlards étaient rentré chez eux. On nous a raconté que des volants avaient été distribués clandestinement avec un message menaçant contre les soûlards, les vagabonds, les drogués et les inoccupés qui étaient en train de rendre invivable le village.
Pendant plusieurs semaines la paix est revenue. Certains disaient que c'était la police qui avait fait circuler le message. D'autres que c'était la guerrilla. Personne ne sait que c'est moi qui, fatigué de tout ce bacarme, ai photocopié et fait distribuer en secret un vieux papier que l'on m'a mis sous ma porte d'entrée l'année dernière dans des circonstances similaires. J'espère que cette fois la tranquilité durera plus d'un an.
22:59 Anotado en Cuentos | Permalink | Comentarios (0) | Tags: ficción, microrrelatos, colombia